La métamorphose de Franz Kafka

Une œuvre sauvée de naufrage
 
Dans une vie faite de frustration et de rancœur, la littérature a souvent tenu lieu de consolation pour Kafka. L'artiste pragois, qui aurait affirmé un jour : "je ne suis que la littérature et ne peux ni veux être rien d'autre", apportait ainsi à son oeuvre, si l'on en croit ses biographes un soin scrupuleux, allant jusqu'à lire ses ouvrages devant un cercle d'amis ( ce qu'il fit pour la métamorphose), corriger les épreuves pour l'imprimeur veiller aux caractères, aux illustrations éventuelles ou à la reliure. Attentif au moindre détail dans l'édition de ses livres, Kafka offre cependant dans le panorama de la littérature de XX siècle le cas assez rare d'un écrivain réfractaire , qui refusa à plusieurs reprises la gloire de la publication, considérant que certaines de ses œuvres étaient faites pour être écrites et non pour être lues. De 1912, date de la rédaction de la métamorphose, jusqu'à 1924, année de sa mort, Kafka ne publia que 6 de ses récits, considérés à tort comme mineurs. Ses plus grands romans: le procès (1925), le château (1926) ou l’Amérique (1927), ne furent publiés qu'à titre posthume, grâce au zèle de Max Brod, ami intime de l'écrivain. Ce dernier refusa en effet de suivre les recommandations de Kafka qui lui avait demandé de brûler à sa mort tous ses manuscrits inachevés et ses textes non publiés. Le succès que connait l'oeuvre de Kafka dans le monde entier est, d'une certaine façon, à mettre sur le compte de l'acte courageux mais très longtemps discuté de Max Brod. C'est en effet grâce à son ami le plus fidèle, qui contrevient aux dispositions testamentaires de l'écrivain, que nous pouvons lire aujourd'hui les chefs-d'oeuvre d'une littérature sauvée d'un autodofé programmé. 
La métamorphose: un sujet traditionnel renouvelé par KAFKA 
 Depuis l'antiquité chez le poète oviore en particulier dans l'âne d'or d'apulée, les métamorphoses - des changements de forme qui affectent des choses ou des êtres jusqu'à les rendre méconnaissables - abondent en littératures. Dans la mythologie, les dieux revêtent souvent des formes différentes pour abuses les humains. Afin de séduire de jeunes mortelles, Jupiter peut être à son gré homme, taureau, cygne ou pluie d'or. Au même titre que la mythologie, le conte, traditionnellement friand d'histoires de magie, met en scène toutes sortes de transformations. Le thème de la métamorphose, qui sert de support à la nouvelle de Franz Kafka, n'a donc en soi rien de novateur; 
Mais l'écrivain pragois l'utilise de manière très personnelle. Comme l'indique son titre, la métamorphose est l'histoire d'une étonnante transformation. " lorsque Gregor Sansa l'éveilla un matin, au sortir de rêves agités. Il se trouva métamorphosé en un monstrueux insecte". Le début du récit, en faisant pénétrer le lecteur ( au cœur des choses), place ce dernier devant une situation typiquement " Kafkaienne" comprenons par là absurde, incongrue, illogique. Le sentiment d'hésitation, caractéristique essentielle du récit fantastique, n'est pas ici de mise. Tout comme Gregor Sansa, qui découvre que sa mutation "n'est pas un rêve", le lecteur ne peut douter de la réalité de la métamorphose, le récit objectif du narrateur présentant la transformation du héros comme un phénomène aussi indubitable qu'irréversible. Si la métamorphose de Gregor marque le point de départ de la nouvelle, elle ne constitue pas paradoxalement le sujet essentiel de l'oeuvre. Le récit de Kafka s'intéresse moins en effet à la métamorphose d'un personnage qu'à la métamorphose d'un groupe humain ( une famille, en l’occurrence) qui, à la faveur d'une évolution allant de l'amour à la haine, est amené insensiblement à rejeter l'un des siens.

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